Tout le monde nous avait dit : « le Golfe de Gascogne, ouille ouille ouille, vous croyez partir à la mer et vous vous retrouvez à la montagne avec des vagues de 10 mètres de haut, surtout pour traverser le golfe choisissez bien votre fenêtre météo. »
Encore faut-il savoir ce qu’est une bonne fenêtre météo…
Avec Laurence nous avons passé des jours entiers à tenter de comprendre les phénomènes météorologiques, les anticyclones qui tournent dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord, les dépressions qui font l’inverse, la force de Coriolis, les isobares, les Talwegs, les dorsales, la pression atmosphérique, nous avons même fait un mook météo !
Ce que l’on a retenu, c’est que traverser le Golfe, oui mais pas sans un bon anticyclone.
Le 28 nous partons donc avec un anticyclone au nord, un autre au sud un autre à l’est et enfin un dernier à l’ouest, comme ça pas moyen de se tromper !
Et pendant quatre jours nous naviguons sur une mer d’huile, avec du vent mais pas trop voire pas du tout, souvent même pas du tout du tout… C’est tellement inattendu qu’à un moment je finis par croire que je suis sur le lac Léman pour aller à Lausanne…
La seule différence avec le lac helvète ce sont les dauphins. A plusieurs reprises, nous les voyons arriver de loin, par dizaines, grandes gerbes d’eau fondant sur le bateau à la vitesse de l’éclair. Et soudain le ballet aquatique se met en place comme si le grand Busby Berkeley, « The » chorégraphe des comédies musicales hollywoodiennes des années 40 avait lui-même crié dans son mégaphone : Action !
Aussitôt : farandoles de sauts synchronisés à bâbord, pirouettes sur le ventre et retournements sur le dos à tribord, croisements avec salto à la proue et pour finir un bouquet de dauphins jaillissant de tous côtés avant de disparaître faire des claquettes vers d’autres abîmes, bravo les gars, clap de fin et applaudissements !
Mais car il y a toujours un mais, le plus extraordinaire est d’assister à ce spectacle la nuit car les dauphins sont fluorescents et fusent sur le bateau comme des torches enflammées. Le génial Busby dans son extrême délire a même eu l’idée de mettre des projecteurs sous l’eau, chapeau Busby !
Notre traversée aura donc duré 3 jours. 3 jours et 3 nuits à faire des quarts : 3 heures de veille pour une heure et demie de sommeil, à dormir, boire, manger des Bolinos, contempler la mer, penser à tout et à presque rien, jouer de la guitare, tout cela à n’importe quelle heure.
A ce rythme-là l’horloge interne est très vite déréglée, les journées n’ont ni queue ni tête et l’on se prête à s’imaginer dans la peau d »un bébé qui tête et dort quand bon lui semble…
Le Golfe, j’en referai bien une petite partie !

