Aujourd’hui la Corse a vraiment donné rendez-vous à son surnom : l’île de beauté.
Le ciel est d’azur, le soleil triomphant, la mer d’émeraude et la côte parfaitement sauvage.
Nous sommes au sud de Calvi et longeons le littoral entre Galeria et Cargèse, notre prochaine étape.
Dans une heure nous devrions pénétrer au cœur du diamant corse, longer la réserve naturelle de Scandola puis nous enfouir dans les célèbres calanques de Piana.
Demandez le programme !
Laurence qui contemple toute cette beauté se tourne vers moi : « Tu ne trouves pas que cette côte ressemble à une estampe japonaise avec en premier plan le bleu de la mer bordée de criques de sable fin, en second plan le vert du maquis qui tapisse les montagnes et en dernier plan les traits noirs des crêtes qui se perdent dans l’azur ? »
Moi : « C’est vrai on dirait une estampe d’Okusaï. »
Et c’est ainsi que nous nous nous laissons aller à nos rêveries, bercés par le léger souffle du vent dans les voiles et le clapotis des vagues sous l’étrave. Omer lui aussi semble apprécier ce rendez-vous improbable entre la Corse et le Japon, il glisse sur l’eau sans effort, les rênes lâches, infatigable compagnon de voyage.
A mesure que nous avançons le trait de côte se fait plus dure, les lignes arrondies du littoral se fracturent, s’élèvent vers le ciel, la côte se métamorphose et notre estampe japonaise emprunte de douceur et d’harmonie se transforme progressivement en un décor peuplé de créatures étranges.
Taillées par le vent, sculptées par la mer, érodées par le sel, façonnées par les vagues, polies par les marées, de gigantesques créatures de pierre surgissent de toutes parts comme autant de monstres dans la caverne d’un train fantôme. Ici la figure menaçante d’un monstre marin aux dents acérés semble guetter sa proie, là un gigantesque mammouth paraît sur le point de plonger dans l’eau, plus haut sur une falaise une main à trois doigts semble dévaler la pente tandis qu’un visage percé de trois trous à la place des yeux et de la bouche pousse un cri d’effroi comme celui du célèbre tableau de Munch.
Le temps est à l’œuvre, là sous nos yeux, en perpétuel mouvement. De siècle en siècle, de jour en jour, de minute en minute, à chaque seconde, ce travailleur infatigable poursuit sa création, sans relâche, sans état d’âme. Cette côte est son atelier, le vent et la mer ses outils et ces figures de granit ses créations.
Face au mouvement inexorable des éléments sur la matière, à leur puissance, au temps infini, nous nous sentons petits, rétrécis et cruellement éphémères.
Voilà ce que nous disent ces figures intemporelles qui de toute leur hauteur nous toisent et semblent vouloir nous écraser.
Mais car il y a toujours un mais, il y a un truc qu’elles n’ont pas ces figures intemporelles, un truc qui pourraient les rendre éternelles, un truc qui s’appelle le triomphe de la pensée sur la matière… un appareil photo.
Clic par ci, clic par là et les voilà toutes emprisonnées dans mon cher Lumix et en voici la preuve :









