A Ajaccio où nous venons d’arriver, il fait très chaud et la marina dans laquelle nous sommes amarrés est une étuve.
Coincé entre deux bateaux plus hauts que lui, Omer est en surchauffe. Pas un souffle d’air ne parvient à traverser ces deux écrans marins et le soleil tape sur nos têtes comme l’enclume d’un forgeron.
Nous avons beau tendre un taux au dessus du cockpit, installer une « chaussette » sur le hublot avant pour favoriser la ventilation, fermer la descente avec une toile ajourée, brancher le ventilateur dans le carré, rien n’y fait.
La perspective d’avoir à traverser la marina pour rejoindre la ville est une épreuve et l’idée de rester sur Omer sous ce cagnard, un cauchemar.
Entre épreuve et cauchemar, nous choisissons épreuve.
Finalement l’épreuve s’avère moins difficile que prévu.
A peine avons-nous marché quelques minutes que nous nous retrouvons sur une place ombragée, bordée de stands culinaires plus appétissants les uns que les autres.
Figatelli, Panzetta, Coppa, Lonzu, toute cette cochonnaille si joliment nommée, si adroitement ficelée en chapelets, on dirait des colliers de chez Cartier, si savamment pendue, des boucles d’oreilles de chez Dior, si artistiquement présentée sur les étals, des bracelets de chez Van Cleef et Harpels, si finement agencée, des bagues de chez Boucheron, toute cette cochonnaille donc titille nos narines, exacerbe nos sens.
Exit les Opium, les Channel n°5, les Eaux de Rochas, toutes ces fragrances mondialisées des magasins de duty-free; ici ça sent bon le gland, la châtaigne, le cul de la vache, le terroir, en un mot : le maquis !
Mais car il y a toujours un mais, cette magnifique production porcine, cent pour cent naturel, locale, sociale et solidaire, éco-responsable a un certain prix voire même un prix certain. C’est un peu comme si le kilo de porc avoisinait le prix de l’once d’or et que tous ces saucissons et autres ventrèches étaient dotés d’autant de carats que tous les bijoux vendus Place Vendôme à Paris…
En d’autres temps tout cela eut été inconcevable, il eut été difficile de nous faire prendre des vessies… de Figatelli pour des lanternes… de la Place Vendôme, mais aujourd’hui ce genre de tour de passe-passe est entré dans les mœurs. Partout la mondialisation des prix possède ses mots magiques et ici le mot « corse » en est un. Saucisson « corse » = + 50%, vin « corse » = + 50%, pain à la farine « corse » = + 50%, tomate rougie en « corse » = + 50%. Alors que dire des noms comme Figatelli ou Panzetta qui apporte à la magie du mot corse une valeur ajoutée qui fait s’envoler les prix.
Rien à faire, où que nous allions nous sommes corsetés par les prix corses…
Mais que faire ? Dans deux jours Mahé et Laura rejoignent le bord et gourmandes comme elles sont, vont-elles apprécier le très familial et non moins économique “jambon purée” qu’elles affectionnaient tant lorsqu’elles étaient petites ?


