Après deux mois passés en mer, retrouver un grand lit, des draps frais, une véritable cuisine, une douche chaude est un vrai plaisir mais retrouver les gens que l’on aime est un bonheur inégalé.
Sébastien, Pricilla, Adrien, Mahé et Laura sont arrivés, comme cela est la coutume dans la famille, en ordre dispersé.
Depuis notre départ de Morgat, il y a trois ans, c’est le premier été où nous nous retrouvons tous réunis.
Au programme, pas de programme.
Il fait beau, pas trop chaud, la plage est à cinq minutes à pied et Omer attend sagement à un corps-mort que l’on vienne le libérer pour aller faire un tour.
Dans la maison chacun a pris ses marques.
Sébastien et Priscilla connaissent déjà le nom de chaque plante grasse du jardin, Dim et Mahé sont à la plage où ils font des longueurs, Adrien lit, allongé sur un transat face à la Tavolara et Laura papote avec les uns et les autres.
Dans l’après-midi nous décidons de faire quelques courses pour le repas d’anniversaire de Laurence.
Le bourg le plus proche est à cinq kilomètres. C’est un village assez moche, sans vrai centre ville, qui s’est développé trop vite autour de deux grands axes dont l’un longe le littoral et l’autre mène à la mer. Deux ou trois supermarchés, des boutiques de plage, quelques cafés et gelateria composent l’essentiel du décor. Nous découvrirons par la suite un ou deux petits commerces en retrait de la route qui ne paient pas de mine mais qui s’avéreront utiles pour l’achat des produits frais.
Le contraste entre ce bourg assez quelconque et la région qui est censée accueillir les plus grosses fortunes d’Italie est saisissant.
A part les quelques villages à la mode de la Costa Smeralda, la Sardaigne est une île où le luxe n’est pas ostentatoire et où la vie, à l’image de la Corse, est toujours pastorale.
Le soir, chacun s’affaire aux préparatifs de la fête. Sébastien et moi sommes en cuisine, les garçons préparent l’apéro tandis que les filles mettent la table, un grand classique…
Laurence, l’impétrante, a ordre de ne rien faire.
Toute bronzée et mincie, elle fait un régime et nage longuement chaque matin depuis un mois, elle a retrouvé la silhouette de ses dix huit ans et porte comme un charme cette soixantaine qui s’annonce. Entourée de sa famille qui la choie, elle rayonne et je me dis que nous formons une famille harmonieuse et aimante, une vraie belle ménagerie !
La soirée fut joyeuse, arrosée et fort tardive. Laurence fut couverte d’attentions, de cadeaux, bague, bracelet, palmes, tuba et maillot de bain.
Le lendemain nous décidons de partir sur Omer passer la journée sur une île proche de la Tavolara.
Nous sommes donc huit adultes à bord. Une première pour Omer !
Cette île a la particularité d’avoir une piscine naturelle qui la borde sur plusieurs dizaines de mètres. Le fond est entièrement sableux et l’eau bleue turquoise est translucide. Évidement l’endroit est déjà très fréquenté et nous décidons de mouiller un peu plus loin. Mais car il y a toujours un mais, à peine avons-nous jeté l’ancre qu’une escouade de petits zodiacs transportant des jeunes bronzés et bruyants viennent se coller à nous. Ils ont emmené à bord des grosses sonos et quelques bouteilles de champagne qu’ils s’échangent d’un bateau à l’autre. Dans d’autres circonstances, cette intrusion aurait certainement eu le don de nous énerver, mais ici en Sardaigne, elle nous plonge dans un univers à la Dino Risi où ces jeunes gens décomplexés et joyeux semblent tout droit sortis d’un film italien des années cinquante.
L’eau est délicieuse, le pique nique bienvenu et la sieste dans un espace aussi réduit, acrobatique.
En fin d’après-midi nous levons l’ancre et partons mouiller à cala Girgolu prendre un dernier bain. Une drôle de petite embarcation, très colorée, va d’un bateau à l’autre en s’annonçant à grands de coups de klaxon comme ceux de la voiture de Vittorio Gassman dans le Fanfaron. Nous leur faisons signe. A bord, deux gars tout sourire ne cachent pas leur surprise en nous voyant aussi nombreux sur un si petit bateau. Comprenant que j’étais le capitaine du bateau et le doyen de cette jolie petite famille, ils ne tarissent pas d’éloges à mon endroit et ponctuent chacune de leur phrase par des « complimenti capitano, complimenti capitano» qui me vont droit au cœur.
Durant notre semaine passée à Girgolu, nous avons eu la visite de Damien notre ami de Bonifacio qui a offert à Laurence une de ses créations, une très jolie statue en bronze représentant un personnage baptisé : le Damiano.
Damien a bien essayé de nous entraîner au Ritual mais les deux heures de route pour s’y rendre nous y ont fait renoncer.
Un matin nous sommes allés visiter un petit village perché dans les montagnes, Tempio Pausania. Après avoir sillonné les ruelles dont les pavés ont la particularité d’être peint de couleurs pastel, nous décidons d’aller déjeuner dans un restaurant typiquement sarde. Le patron, un homme d’une quarantaine d’années à la belle voix grave et parlant français nous installe autour d’une grande table. Il nous apporte de grandes serviettes en papier qui se nouent autour du coup et descendent jusqu’à la taille à la façon des grands restaurants gastronomiques d’autrefois et prend la commande. Nous choisissons tous la spécialité : des escargots en entrée et un délicieux ragoût de sanglier. Au moment de payer il nous dit que l’addition a déjà été réglée. Adrien en toute discrétion lui avait glissé en entrant sa carte bleue…la classe !
Mais voilà, toutes bonnes choses ont une fin et c’est avec un pincement au cœur que nous quittons cette magnifique villa et sa vue inoubliable.
Notre consolation est que nous repartons sur Omer avec Adrien qui reste une semaine de plus avec nous en Sardaigne.

