Pour notre semaine de navigation avec Adrien, nous avons décidé de retourner vers les îles de la Maddalena et de musarder dans cet archipel réputé pour sa beauté.
Après avoir embrassé Baloo et Pricilla qui prenaient l’avion pour la Bretagne, nous quittons donc Olbia et empruntons le long chenal qui mène à la mer.
Un gros paquebot qui assure la liaison avec le continent nous double à nous toucher. On dirait un HLM flottant tagué par des enfants de dix ans. La compagnie maritime a en effet eu le mauvais goût de peindre sur tous ses bateaux des personnages de bandes dessinées. Mickey, Dingo ou Pluto ont ainsi quitté les bulles de nos BD pour se pavaner en cinquante par cinquante sur ces nouvelles affiches publicitaires flottantes. Et dire que l’on continue à parler de sanctuarisation de la mer, belle manière de préserver les espèces ! Heureusement l’animal va vite et n’est bientôt plus qu’un point sur l’horizon.
Hormis cette incongruité, la journée s’annonce belle, le ciel est bleu et une légère bise atténue la chaleur de ce début de mois d’août.
Une fois passés l’entrée du chenal, nous faisons route vers le cap Figari. Nous sommes heureux à l’idée de repasser ce magnifique cap et de le faire découvrir à Adrien mais les choses ne se passent pas comme nous l’avions prévu.
Plutôt que de profiter de ce paysage grandiose et de se laisser à la contemplation, Adrien s’est mis en tête de régler un problème administratif. Le hic est qu’il a besoin de renseignements que Laurence détient sur le Cloud.
Son problème devient donc très vite notre problème sauf que nous n’avons aucune envie de nous colleter une équation administrative à plusieurs inconnues au moment de passer un des plus beaux cap du Monde !!!
Nous avons beau lui dire que le moment est mal choisi, que son problème n’a aucun caractère d’urgence, qu’il ferait mieux d’admirer le paysage, rien à faire, Adrien a décidé de le régler séance tenante.
Et c’est ainsi que nous passons le cap Figari, Laurence le nez sur l’écran tanguant de son téléphone cherchant désespérément entre deux vagues des infos vielles de dix ans, nichées dans un recoin poussiéreux du Cloud, Adrien, dos à la côte, le téléphone collé à l’oreille écoutant sans relâche le disque rayé des quatre saisons de Vivaldi et son exaspérant message vous signalant que « tous les conseillers sont actuellement occupés » et moi, l’air faussement détaché, polarisé sur la beauté du cap Figari et incapable d’apprécier le comique de la situation.
Mais car il y a toujours un mais, si notre journée commença de travers elle se prolongea de belle manière.
La navigation en mer a ceci de particulier qu’elle vous ramène toujours à l’instant présent. L’avant, l’après, le passé, le futur sont des notions réduites à peau de chagrin. L’esprit s’échappe rarement longtemps hors du sillage du bateau. Une onde, un souffle, un bruit inattendu, un cormoran qui traverse l’azur, une vague plus forte qu’une autre, une voile qui claque, tous ces événements ramènent toujours nos esprits vagabonds à la réalité. Inutile de faire un scan corporel pour se concentrer sur l’instant présent, la mer est là, elle vous prend dans son étau et ne vous lâche plus.
Aussi, après cette petite tension, avons-nous vite retrouvé le plaisir de naviguer tous les trois. Adrien connaît bien le bateau, il aime barrer, maîtrise bien les manœuvres et comme nous il apprécie le côté spartiate d’Omer où chaque chose est à portée de main, où l’essentiel a chassé le superflus.
Le soir nous mouillons dans une jolie cala où seuls deux ou trois bateaux ont jeté l’ancre, « la pioche » pour les intimes…
Une bonne baignade, un apéro bien tassé, un repas étoilé et hop nous voilà calés dans nos bannettes, Adrien dans son terrier à l’avant, Laurence et moi dans le carré, chacun plongé dans son livre.
L’équation administrative n’est déjà plus qu’un souvenir lointain !

