Un joint pas si tournant…

Nous sommes au large du cap Sperone au sud de l’île San Antioco.

Il est quatorze heures, nous filons six noeuds par le travers et devrions atteindre notre mouillage dans une heure. Nous avons prévu de mouiller dans une crique proche du cap puis de rejoindre Carloforte, une île à l’ouest de San Antioco réputée pour sa beauté.

Mais car il y’a toujours un mais, les choses ne se déroulent pas comme prévu.

En descendant dans le carré nous faire un café j’aperçois de l’eau à travers le petit trou qui sert à soulever le plancher près du moteur. Il arrive souvent qu’il y ait un peu d’eau provenant de la cale moteur mais là c’est inquiétant. Je soulève donc le plancher et constate avec appréhension qu’il y a beaucoup plus d’eau que d’habitude.

Je trempe mon doigt dedans, goûte, horreur c’est de l’eau salée. Je soulève le capot du moteur et voit un petit ruissellement qui vient de l’arrière du moteur.

Je retourne au cockpit.

A ma mine déconfite, Laurence comprend qu’il y a un problème.

–– Il y a de l’eau salée qui coule dans la cale moteur

–– Beaucoup ?

–– Oui, ça a l’air sérieux.

Aussitôt j’entreprends de vider le coffre tribord où sont rangés les amarres, les pare-battages, l’annexe, la bouteille de gaz etc.

En trente secondes le cockpit ressemble à la réception d’une recyclerie où le patron du Titanic serait venu déposé tout ce qu’il restait de son naufrage.

Je plonge dans le coffre arrière, enlève le panneau qui permet d’accéder à l’arrière du moteur et constate qu’il y a une fuite d’eau au niveau du joint tournant, la pièce qui assure l’étanchéité entre le moteur et le bateau.

Je sens un vent de panique m’envahir. La question est : combien de temps le joint va t-il tenir ?

Étant donné l’urgence de la situation, nous décidons de nous rendre directement à Carloforte en espérant que la voie d’eau ne va pas empirer.

Après quelques heures de navigation durant lesquelles je ne cesse d’observer l’état du joint en question nous arrivons enfin à la marina Sigfredi. (rien à voir avec l’acteur…)

Le lendemain nous nous rendons à la capitainerie où j’explique la situation à la chef du port, une petite femme d’une quarantaine d’années, Carmela, qui parle anglais couramment et semble doté d’un caractère affirmé.

Elle vient aussitôt à bord constater le problème, fait une vidéo, me regarde :

–– You are lucky, there are lot of vibrations, you could have sink (vous avez de la chance, il y a beaucoup de vibrations, vous auriez pu couler)

Elle me demande depuis combien de temps je n’ai pas changé mon joint tournant et le diamètre de mon arbre.

–– My tree is 22 in diameter, it is the age of the boat, 43 years old ! (Mon arbre fait 22 de        diamètre, il a l’âge du bateau, 43 ans !)

–– Ok, I’ll find out, but I can’t promise you anything. In Sardinia there are no more rotating joints        for a 22 shaft, now they are all 25. (Ok je vais me renseigner mais je ne vous promets rien. En        Sardaigne on ne trouve plus de joint tournant pour un arbre de 22, maintenant ils font tous        25.) Ciao

–– Grazie Ciao.

Le lendemain elle m’annonce qu’en dépit de ses recherches en Sardaigne et en Italie elle n’a rien trouvé.

Je passe donc la journée sur mon écran à chercher ce foutu joint.

J’apprends ainsi qu’il est impératif de le changer tous les trois ans alors que le mien en a six, qu’il en existe de toutes sortes, avec ou sans sortie d’eau, avec ou sans tresse bref le stress chinois habituel. Finalement je finis par en commander un en espérant qu’il arrivera vite et que ce soit le bon.

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