Une chatte sous un toit brûlant

En attendant notre joint tournant commandé sur internet nous visitons Carloforte.

C’est une petite ville vraiment charmante avec ses façades colorées et sa grande place ombragée où des bancs installés autour des troncs d’arbres servent aux anciens qui peuvent ainsi papoter et surveiller du coin de l’œil une marmaille bruyante. C’est aussi une île dotée de belles plages desservies par un car qui emporte toutes les heures des bandes d’ados chahuteurs. Mais Carloforte c’est surtout Carmela à qui nous rendons visite chaque jour dans l’espoir que notre joint tournant soit arrivé.

Sa réponse est invariable :

–– May be tomorrow, domani, domani…

Les jours passent et nous ne voyons rien venir.

Le problème est que nous attendons Laura qui doit arriver d’un jour à l’autre à l’aéroport d’ Alghero au nord de l’île alors que nous sommes au sud, à quatre heures de route.

Nous nous mettons en quête d’une voiture à louer et finissons par en trouver une auprès d’une certaine Catarina qui nous a été recommandée par l’employée d’une agence de voyage dans laquelle nous sommes entrés par hasard.

La veille de notre départ nous recevons un mail de confirmation de la compagnie de ferry qui assure la liaison entre Carloforte et la Sardaigne mais aucune trace de la voiture sur le billet.

Nous contactons Catarina qui nous explique que ses voitures sont assurées uniquement sur l’île de Carloforte. Catastrophe ! Et Laura qui arrive le surlendemain !

Ni une ni deux nous filons voir Giuseppe le patron du bar où nous allons prendre le petit déjeuner, un gars sympa qui parle couramment français.

–– Si j’ai bien compris il faut trouver une voiture ce matin pour que vous puissiez prendre le bac cet après-midi et aller à l’aéroport ?

–– Oui nous avons réservé une chambre d’hôtel à Alghero et devons aller chercher notre fille à l’aéroport demain à onze heures.

–– Ok je vais voir ce que je peux faire.

Il prend aussitôt son téléphone et appelle un ami qui lui donne le numéro d’un ami qui connaît un garagiste susceptible de louer des voitures.

Ça s’annonce mal.

Mais contre toute attente le garagiste en question lui dit qu’il a une voiture disponible à condition que nous acceptions de rouler dans une vieille Fiat Punto sans climatiseur.

Bien sûr que nous acceptons !

Une demi-heure plus tard j’entre dans un garage où règne un capharnaüm sans nom. Des formes se déplacent sur les toits des voitures, d’autres sont allongées sur les capots, dorment dans les moteurs, dans de vieux cartons, ce sont des chat, des dizaines de chats.

Un gros bonhomme d’une quarantaine d’années me reçoit avec un large sourire et me fait signe de le suivre dans son bureau. Nous empruntons un escalier en fer forgé qui mène à un bureau entièrement vitré surplombant le garage, on se croirait dans un film de Scorsese.

Un grand trou dans le toit bée au dessus de son bureau. Une grosse chatte roupille sur sa table. Sous les ardoises chauffées par le soleil, il fait une chaleur à crever.

–– Questo è il buco per far entrare e uscire i gatti di notte (Ça c’est le trou pour laisser entrer et sortir les chats la nuit.)

Sur son siège sont empilés des sacs entiers de bouffe pour chat.

Voyant que je ne parle pas bien italien, sa secrétaire, une blonde décolorée dont le bureau est à coté du sien s’adresse à moi en français et me dis qu’elle a déjà rempli le contrat.

Le patron :

–– Ma non sapevo parlassi francese, se mi apri il mercato francese, ti prometto un aumento. (Mais je ne savais pas que tu parlais français, si tu m’ouvres le marché français je te promets une augmentation.)

La secrétaire lui répond avec un petit air coquin :

–– Ehi si ho dei piccoli segreti che tu non conosci… ( Hé oui j’ai des petits secrets que tu ne connais pas…)

Nul doute que ces deux là s’entendent comme chat et chatte…

En deux temps trois mouvements l’affaire est bouclée, je passe chercher Laurence au bateau, nous prenons le ferry pour la Sardaigne, traversons toute l’île sous un soleil de plomb, fenêtres grandes ouvertes en écoutant Paolo Conte, arrivons à notre hôtel à Alghero, prenons une douche glacée, nous allongeons sur le lit en cherchant le restaurant où aller dîner et c’est à ce moment-là que le mais car il y a toujours un mais survient, le téléphone sonne :

–– Allô c’est Laura.

–– Coucou ma chérie comment ça va ?

–– Bah…pas très bien, mon avion pour demain est annulé et il n’y a pas de places avant deux jours.

Patatra tout est à recommencer !

Carloforte
Carloforte

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