Nous sommes le 12 juillet. Nous venons de quitter Castelsardo sur la côte nord de la Sardaigne et laissons dans notre sillage cette petite ville dont les façades colorées s’égrènent comme un chapelet jusqu’au haut d’une colline où l’on aperçoit encore les murailles du château médiéval que nous avons visité la veille.
Dans quatre jours nous devons retrouver Adrien et Noah à porto Marinella.
En principe nous avons largement le temps d’y aller.
Ce soir nous avons prévu de nous arrêter à Santa Teresa de Gallura, un port bien abrité au fond d’un bras de mer.
Poussés par une bonne petite brise, nous y arrivons avec deux heures d’avance. Nous appelons la capitainerie du port sur le canal 9 et voyons presqu’aussitôt arriver un marinero en zodiac. Jusqu’à présent tout va bien.
Le marinero arrive, nous demande de le suivre et nous indique une place où nous amarrer.
Mais comme il y a toujours un mais, au moment de passer la marche arrière pour me mettre cul à quai, la vitesse ne s’enclenche pas. Je réessaie, le levier bascule en arrière mais le bateau ne recule pas. J’essaie la marche avant mais le bateau ne bouge toujours pas.
Après tous nos récents déboires je sens une sueur froide me courir le long de l’échine. Heureusement le marinero réagit vite et parvient à me faire reculer dans ma place. S’il n’avait pas été là, je n’ose pas imaginer la suite, sans possibilité de manoeuvrer, au milieu du port, avec le vent qui nous pousse sur les bateaux…
Une fois amarré, je plonge dans le coffre arrière, ouvre le panneau qui donne sur le moteur, observe le joint tournant mais ne constate rien de particulier.
Nous filons à la capitainerie en quête d’un mécanicien mais l’employée nous répond qu’elle ne peut rien faire pour nous. Par chance il y a un gars qui est là, qui a entendu notre conversation, qui parle bien anglais et qui nous propose de nous aider. Pietro.
–– I’m Pietro, I run a boat rental business. I have a little thing to settle but then I can come see you at the boat. (Je suis Pietro, je dirige une entreprise de location de bateaux. J’ai un petit truc à régler mais après je peux passer vous voir au bateau.)
Au fond de moi je me dis que le gars ne passera pas avant le lendemain et que l’on va se faire pigeonner mais avons-nous le choix ?
–– Ok see you later (Ok à tout à l’heure)
Une demi heure plus tard Pietro est à bord. Il met le moteur en marche, actionne le levier de vitesse, constate qu’il ne répond pas.
–– Your motor is not driving your propeller, there is surely a problem there. The only way to find out is to call in a diver. (Votre moteur n’entraîne pas votre hélice, il y a sûrement un problème de ce côté-là. Le seul moyen de le savoir est de faire venir un plongeur.)
–– Do you know one ? (Vous en connaissez un ?)
–– Yes, I can call him right away. (Oui, je l’appelle tout de suite.)
Pietro saisit son téléphone, compose un numéro et parle trente secondes avec un gars.
–– He will be there in ten minutes. (Il sera là dans dix minutes.)
Et effectivement un quart d’heure plus tard un jeune gars arrive, enfile sa combinaison, fixe sa bouteille et plonge.
Deux minutes plus tard il ressort avec un grand sourire
–– Sei stato fortunato, hai quasi perso l’albero dell’elica.
Sono 150€. (Vous avez eu de la chance, vous avez failli perdre votre arbre d’hélice.
Ça fait 150€.)
Je lui file ces cent cinquante euros en me disant que la note de Pietro va être salée mais avons-nous le choix ?
Pietro me dit qu’il connaît un mécanicien agréé Volvo et l’appelle dans la foulée.
Le gars répond qu’il peut passer le lendemain matin à neuf heures.
A neuf heures moins le quart Pietro arrive suivi de peu par le mécanicien.
Celui-ci entreprend de resserrer le tourteau et de changer la visse de sécurité.
En dix minutes l’affaire est réglée.
–– Ça fait cent euros.
Je paie le mécano et me tourne vers Pietro :
–– How much do I owe you ? (Je vous dois combien ?)
–– Nothing, its my pleasure (Rien, c’est mon plaisir.)
Pietro, vraiment un chic type…



