Le lendemain de l’arrivée de Laura, nous décidons d’aller passer la journée à Rome.
Nous sommes tout excités à l’idée de retourner dans cette ville mythique.
A neuf heures nous prenons le train à Ostia et trente minutes plus tard nous voici arrivés à la station Coliseum.
Mais car il y a toujours un mais pourquoi mettons-nous autant de temps pour sortir de la station et que font ces trois millions de personnes qui ont eu la bonne idée de venir visiter Rome le même jour que nous ? Trois millions de gugus, casquette sur la tête et bouteille d’eau à la main, pressés comme dans une gigantesque boîte à sardines.
Quel jour sommes-nous ? Ah pas de chance c’est le week-end de la fête nationale, The National Italian Day comme cela est écrit en rouge dans mon agenda Google que je n’ai évidemment pas consulté avant de partir. La Festa Nazionale, the day not to be in Roma…
D’un seul coup d’œil nous tirons une croix rouge sur la visite du Colisée. Une queue de trois kilomètres de casquettes s’étire jusqu’à l’entrée. A raison d’un mètre toutes les trente secondes nous y serons à Noël !
Tant pis pour le Colisée, direction la Fontaine de Trévi, beaucoup moins populaire que le Colisée…
Nous voici donc marchant à la queuleuleu dans les rues de Rome sous un soleil de plomb. En partant mi-mai rejoindre Omer, nous espérions échapper à la canicule et naviguer au frais jusqu’au début du mois de juillet. Pour l’instant c’est vraiment réussi.
Laurence qui a peur de se faire piquer son sac à dos l’a mis devant et le tient fermement sur le ventre. Au bout de quelques temps, Laura qui ne manque jamais une occasion de se moquer de sa mère, c’est le sport familial préféré de nos deux filles, lui fait remarquer qu’elle est un peu ridicule avec ce sac auquel elle s’accroche comme une bernique à son rocher. La pique fait mouche car Laurence tout en maugréant décide de remettre son sac dans son dos.
Un quart d’heure plus tard son portefeuille a disparu.
Comment ?
Nul ne sait.
Est-ce ce vendeur de chapeaux qui en lui mettant d’autorité un galure à larges bords sur la tête a détourné son attention pendant qu’un compère lui mettait la main dans le sac ou encore ces deux jeunes aux profils inquiétants qui profitant d’un moment d’inattention lui ont habilement subtilisé son portefeuille contenant du liquide, sa carte bleue et surtout tous ses papiers d’identité.
Oh rage ! Oh désespoir ! Oh vieillesse ennemie ! C’est à croire que Molière au moment où il écrivit ces célèbres lignes venait juste de se faire voler sa bourse, tant elles sont appropriées à notre situation !
Sauf qu’ici ce n’est pas dans la langue de Molière que nous devons nous adresser au carabinier
qui transpire abondamment sous son casque mais dans la langue de Pirandello qu’évidement nous maîtrisons parfaitement :
— Dove ce il stazoine di policia perque la mama s’est fait voler son portefeuille
— Que dice ?
— La mama, il potefouillo, volare, volare
Il nous répond exaspéré :
— Tout droit tout droit.
Quelques méandres plus tard nous entrons dans un vaste hall d’entrée. Sur la droite un policier armé jusqu’aux dents, assis derrière un bureau entouré de grilles assure l’accueil…
Une dame âgée au fort accent étranger est entrain de lui expliquer comment elle s’est fait voler son portefeuille. Tiens tiens.
Laurence se tourne vers moi :
— C’est déjà pas marrant de se faire piquer son portefeuille mais constater que ces
petits salauds ne s’en prennent qu’à des vieilles sans défense c’est vraiment vexant.
Laura lui répond du tac au tac :
— Oui c’es vrai, tu ressembles à une vieille migrante, seule et perdue. Ils ne sont pas prêts de te laisser repartir !
Finalement le policier enregistre sa déposition et nous conseille d’aller au consulat de France pour obtenir une autorisation de sortie du territoire.
Il est midi, la porte du consulat est fermée et gardée par trois policiers armés de mitraillettes et équipés de gilets pare-balles. Leur chef, une policière au regard soupçonneux nous ordonne de repasser dans deux heures car le service des visas est fermé.
Deux heures plus tard nous revoilà devant la policière qui entreprend une fouille au corps en règle de la vieille migrante qui sous ses airs de madame Tout-le-monde cache peut-être une dangereuse terroriste.
Contre toute attente, l’échange avec le fonctionnaire se fera à travers l’interphone de la porte d’entrée c’est à dire dehors sur le trottoir, à un mètre de la fouille, sécurité oblige.
Nous ne verrons jamais la tronche de ce fonctionnaire zélé pas plus que celle de son bureau pourtant situé un étage plus haut. Mais la mauvaise nouvelle est que le gars lui dit qu’il ne peut en aucun cas lui délivrer une autorisation de sortie du territoire tant qu’elle n’a pas un titre de transport avec une date de retour en France.
— D’ici-là, vous êtes en situation irrégulière sur notre territoire !
— Mais je suis en bateau, je ne sais pas quand je rentre en France, je dois d’abord prendre un avion pour récupérer ma voiture en Sardaigne puis un ferry pour rentrer en France.
— L’autorisation de sortie vous sera délivrée pour un seul voyage, pas pour deux et les compagnies aériennes n’acceptent pas les passagers munis de photocopies de papiers d’identité.
— Alors quelle est la solution ?
— L’autorisation de sortie vous sera délivrée pour un seul voyage, pas pour deux et les compagnies aériennes n’acceptent pas les passagers munis de photocopies de papiers d’identité.
Quand le fonctionnaire se fait robot…
Sur le chemin du retour nous nous mettons à rêver d’une Fezta Europeana où l’on pourrait circuler librement d’un pays à l’autre avec dans son téléphone ses papiers numériques et pourquoi pas comme l’a fait mon arrière grand-père lors d’un voyage en Grèce avec une simple carte de visite.
Comme disent les italiens : Tempo fa ! C’était il y a longtemps !



