Ventetone

Ventetone

En Méditerranée et sans doute sur bien d’autres mers, il existe deux catégories de ports.

Ceux construits récemment, bien visibles de la mer avec leurs jetées de grosses pierres

délimitant l’entrée du port et les anciens qui se nichent dans des anfractuosités de la côte, se cachent derrière des bras de mer tortueux ou se fondent dans le décor d’une ville fortifiée.

Le seul moyen de les repérer à l’œil nu est de scruter la côte jusqu’à trouver les mâts des voiliers qui signalent leur présence ou de s’approcher très près de la côte pour trouver leur entrée, un trou dans la falaise parfois à peine plus gros que le chat d’une aiguille.

Dans les premiers on trouve des douches, des sanitaires, du WiFi, et toutes sortes de commodités, dans les seconds un abri et le charme du temps suspendu.

Ventetone fait partie de cette deuxième catégorie.

Lorsque nous arrivons en vue de l’île, seules les balises qui marquent le chenal d’accès au port sont visibles.

Nous nous approchons pour tenter de deviner où se trouve l’entrée du port lorsque soudain un zodiac jaillit de la côte et fonce sur nous. A son bord un gars d’une quarantaine d’années accompagné d’une adolescente.

En consultant la très précieuse application Navily, dédiée aux ports et mouillages, Laurence avait lu des commentaires élogieux à propos d’un certain Enrico, capitaine du port, qui vient accueillir les bateaux à leur arrivée.

— Enrico ?

— Si si, good morning, I am Enrico and this is my daughter. Do you want to go to the port ?

— Yes

— Ok follow me

Nous pénétrons dans un bras de mer formant un coude lorsque soudain à la sortie du virage nous découvrons le port où plus exactement un long quai où sont amarrés des dizaines de voiliers. Jamais nous n’aurions imaginé qu’un si petit espace puisse contenir autant de bateaux.

Enrico nous dit de nous amarrer par la proue car le fond le long du quai est pavé de gros rochers menaçants. Même pour un bateau de petite taille comme Omer la manoeuvre pour se présenter face au quai est délicate car l’espace pour tourner est très restreint.

Je demande à Enrico quel est le prix de la nuitée mais car il y a ou jours un mais, au lieu de me le donner il me répond :

— Si vous voulez faire un bon dîner, vous devriez aller dans mon restaurant, celui qui est juste devant vous, vous dites que vous venez de la part d’Enrico…

C’est ce qui s’appelle « être dans la gueule du loup » sauf que ce loup-ci est d’une amabilité déconcertante.

Il s’avèrera que le dîner chez Enrico, bien sûr, fut cher et pas spécialement bon mais que la nuitée fut raisonnable au regard des prix pratiqués sur la côte italienne.

Sur le quai règne une ambiance festive.

A bord des bateaux, des pré-ados accompagnés de leurs moniteurs jouent aux carte, écoutent de la musique, se chamaillent, garçons d’un côté et filles de l’autre. Nous comprenons qu’ils viennent de participer à une régate et qu’ils fêtent ici leur dernière étape.

Une route longe le quai, lui même bordé de petites boutiques de pêche et de quelques terrasses de café. Les habitations ont été creusées directement dans la roche et ressemblent à des habitations troglodytes. Au dessus se trouve le village dont les façades colorées donnent sur la mer.

L’ensemble dégage un charme vraiment original.

Le lendemain matin nous montons au village avec ses places ombragées et fleuries de bougainvilliers, ses façades aux tons couleurs pastels et ses restaurants cosy aux terrasses surplombant la mer.

Puis nous entamons le tour de l’île à pied avec ses vues plongeantes sur des criques sauvages, ses petites parcelles de terre grillées par le soleil et entourées de pierres sèches et surtout le fort où Mussolini fit enfermé des prisonniers majoritairement communistes durant la seconde guerre mondiale.

Deux d’entre eux, Altiero Spinelli et Ernesto Rossi écrivirent un manifeste en faveur de l’Europe unie qui lança l’idée d’un fédéralisme européen.

Pour un européen convaincu, songer que l’idée de cet immense territoire qu’est l’Europe aujourd’hui est née dans l’esprit de gens emprisonnés dans une minuscule île perdue au milieu de la mer est vraiment émouvant et bien la preuve que l’imagination au service de la liberté ne connait ni chaînes ni frontières.

Frère et sœur en route pour Ventetone
Ventetone
Priscilla et Sébastien à Ventetone
Omer à Ventetone
A Ventetone

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