Cette année Omer ne désemplit pas.
Sitôt les filles parties, voici Boud et Jean-Guilhem qui rejoignent le bord pour quatre jours.
Les retrouvailles, après plusieurs mois sans se voir, sont toujours un vrai plaisir. Nous avons toujours beaucoup de choses à nous raconter, les enfants, les petits enfants, les travaux dans les maisons, les projets etc.
Nous aurions bien papoter jusqu’à tard dans la nuit mais demain il nous faut partir tôt car nous avons trente miles à parcourir et la météo s’annonce un peu musclée.
Mon inquiétude n’est pas tant la météo que le départ lui-même.
En arrivant la veille au port j’avais bien remarqué qu’il y avait peu de fond mais concentré sur ma manœuvre d’accostage je n’y avais pas prêté vraiment attention. Mais car il y a toujours un mais en regardant le sondeur je m’aperçois qu’il y a seulement deux mètres d’eau sous le bateau. Or notre quille fait un mètres soixante dix ce qui laisse seulement trente centimètres d’eau avant de toucher.
L’idée de talonner sur un fond sableux n’est déjà pas très agréable mais lorsque des rochers, comme c’est le cas ici, sont très proches du bateau et semblent affleurer cela devient franchement inquiétant. Pour en avoir le coeur net je consulte les modèles de marée à Arenella.
On dit toujours qu’en Méditerranée il n’y a pas de marée. Or il se trouve que là où nous sommes il y a trente centimètres de marnage et que la marée est basse au moment où nous allons partir. Ce qui en d’autres termes veut dire que nous aurons zéro centimètre d’eau sous la quille…
Pendant une bonne partie de la nuit je vais compter, recompter, vérifier sur différents sites l’exactitude des données à Arenella, bref la nuit est longue.
Au réveil je fais part à Laurence de mon inquiétude et comme souvent dans ces cas-là elle me rassure m’assurant que si nous l’avons fait dans un sens il n’y a aucune raison de ne pas le refaire dans l’autre :
— Je me mettrai à l’avant, tu n’as qu’à suivre mes indications, il y a un passage que j’ai repéré en venant.
Chose dite chose faite. Laurence à l’avant m’indique où passer et nous sortons du port sans encombre.
Notre prochaine étape est Castellammare.
Comme prévu nous naviguons au portant sous génois seul.
Au début cette configuration de voile est idéale. Omer file six noeuds sans trop rouler. Mais à mesure que le vent monte c’est une autre histoire. Omer se dandine comme une danseuse de cabaret, surf sur les vagues comme s’il était à Lacanau et fonce comme Fangio aux vingt quatre heures du Mans. A ce stade là la partie de plaisir commence à virer au cauchemar. Il est temps de rouler le génois et de reprendre le contrôle du bateau.
Malgré ce moment de tension, Boud et Jean_Guilhem, qui pourtant ne naviguent jamais, restent d’un calme olympien. chapeau !
Finalement nous arrivons en début d’après-midi dans la grande baie de Castellamare et décidons de mouiller pour pique-niquer et nous baigner.
Puis n’ayant pas eu confirmation de la réservation que nous avons faite à Castellamare nous allons à Balestrate, une marina récente où nous sommes très bien accueillis.
Le lendemain nous filons à Scopello où nous avions loué il y a une quinzaine d’années une petite maison de berger perché en haut d’une hauteur. L’endroit a un peu changé mais cette ancienne thonerie avec ses grands rochers qui sortent de l’eau est vraiment l’un des plus beaux endroits sur la côte sicilienne.
Le soir nous rentrons à Balestrate où un taxi attend Boud et Jean-Guilhem qui repartent pour la France.
Nous voici maintenant seuls, Laurence et moi.
Nous avons un mois devant nous pour faire le tour de la Sicile et retrouver Adrien et Noah qui doivent nous rejoindre à Catane.





