Après un dernier bain matinal dans les eaux bleu-turquoise du pays de Peter Pan, nous décidons de lever l’ancre pour nous rendre à La Valette.
Mais car il y a toujours un mais, le moteur refuse de démarrer.
Nous insistons une fois, deux fois, trois fois, en vain. Est-ce la carte électronique que nous avons déjà changée qui refait des siennes ? Une batterie déchargée ?
Avisant le vendeur de glaces dont nous sommes devenus les meilleurs clients nous lui demandons où trouver de l’aide. La réponse n’est guère encourageante :
— Il n’y a pas de mécaniciens dans le coin. Il faut en faire venir un de La Valette…
L’affaire semble mal engagée lorsqu’en désespoir de cause je fais une nouvelle tentative pour démarrer le moteur. Après avoir poussé plusieurs longs râles de démarreur à l’agonie, soudain le moteur démarre.
Ni une ni deux, nous levons l’ancre et faisons route vers La Valette dans l’espoir que ces quelques heures de navigation suffiront à recharger les batteries.
Longer les côtes maltaises offre un vrai dépaysement. Peu élevées, pelées et presqu’uniformément de couleur blanc sable, elles font penser à l’Afrique et nous ne serions pas surpris de voir une caravane de bédouins se détacher à contre jour dans la lumière vibrante du soleil.
Lorsque la ville de La Valette et son immense port apparaissent, l’Histoire se rappellent immédiatement à nous. La Grande Histoire et la petite.
La Grande avec face à nous la cité fortifiée et ses hautes murailles qui abritaient autrefois le fameux fief des chevaliers de l’ordre de Malte et la petite, celle de Laurence et moi qui découvrions cette même cité lors de notre tout premier voyage en amoureux.
Qui eut cru à cette époque que nous reviendrions quarante ans plus tard avec notre fils et notre petit fils à bord de notre petit bateau jaune ?
Nous étions comme deux oiseaux sur la branche, insouciants et bien incapables d’imaginer que ce premier voyage serait le début d’une longue histoire au regard de laquelle la “Grande” nous semblerait bien petite…
Tout en avançant dans l’un des bras de mer qui mène à notre marina, nous scrutons le paysage à la recherche d’images qui nous permettraient de retrouver les morceaux du puzzle de notre premier voyage, notamment le petit hôtel avec sa terrasse surplombant le port où nous avions passé de longs moments à nous dorer au soleil et à lire des ouvrages sur l’Ordre de Malte. Mais la ville autour de l’ancienne cité a bien changé et le petit hôtel au charme désuet a sans doute été remplacé par un de ces buildings dont les façades vitrées ressemblent plus à une banque internationale qu’à un petit coin de paradis avec vue sur mer. Comme aurait dit Simone Signoret : La nostalgie n’est plus ce qu’elle était…
En arrivant à notre place de ponton je constate que ma couchette dégage une chaleur inhabituelle.Tiens tiens comme c’est bizarre je n’ai pas le souvenir d’avoir fait un feu à cet endroit-là…
Je soulève les coussins, enlève la planche et sens une brûlure me monter au visage. C’est une des batteries qui est entrain de chauffer au-delà du raisonnable.
Avec Adrien nous la débranchons et la sortons précautionneusement de son coffre. Il était temps…
Elle mettra toute la nuit à refroidir mais nous aura fourni un début d’explication à propos de la panne de moteur de ce matin.
Reste à savoir si nous pourrons la changer demain, dimanche…




