Voilà maintenant une semaine que Benoît est parti et nous sommes à nouveau seuls Laurence et moi à bord de notre petit bateau où nous menons une vie de Robinson, allant de mouillage en mouillage, de crique en crique, de surprise en surprise.
Ici une magnifique anse avec ses fonds rocheux et ses myriades de poissons se faufilant entre les rochers dans le miroitement des rayons du soleil, là une baie émeraude avec son petit port et son alignement de drôles de lampadaires tout droit sortis d’un tableau de Magritte ou encore ce dédale de petites îles couvertes de pistachiers verts tendres qui trempent leurs racines dans la mer.
Omer descend la mer ionienne comme jadis Ulysse en direction d’Ithaque. il est peut-être temps de lui ajouter un H et un e…
Notre vie est réduite à sa plus simple expression : avancer à la force du vent, se baigner pour se rafraîchir, se rincer avec deux litres d’eau, manger une tomate accompagnée d’un morceau de fêta et d’une tranche de pain, faire la vaisselle à l’eau de mer, écrire un peu, lire ou jouer au Scrabble pour se distraire. Mais car il y a toujours un mais cette image idyllique du parfait citoyen écolo ne serait pas si éloignée de la réalité s’il n’y avait de temps à autre, un petit coup de moteur pour diligenter Omer vers une bonne taverne où boire l’apéro, l’attrait d’un petit resto à la carte alléchante pour changer de l’ordinaire, l’incontournable lecture quotidienne du journal en numérique pour se rappeler que le monde ne tourne vraiment pas rond, et la tentation irréfrénée de se regarder un petit film sur Netflix. Toute chose que Robinson a bien connu…
Ce soir nous étions au mouillage au milieu d’autres bateaux qui comme nous avaient jeté l’ancre dans le magnifique site de Syvota. Nous étions tranquillement assis dans notre cockpit entrain d’assister au coucher du soleil lorsqu’arriva l’instant magique où les bruits familiers du jour s’apaisent, où la lumière aveuglante s’estompe.
Au loin la silhouette de l’île de Corfou disparaissait peu à peu en contre-jour tandis que la surface de la mer miroitait de mille éclats de rose argenté et que les bateaux autour de nous devenaient des ombres. Aucun bruit hormis le clapotis des vagues contre les coques ne venait troubler la quiétude de cet instant.
La nuit était entrain de faire son lit lorsque soudain les feux de mât s’allumèrent un à un comme les cierges d’une cathédrale ou les briquets d’une salle de concert. La baie de Syvota était devenu un amphithéâtre où les bateaux immobiles semblaient assister à un concert silencieux, leurs mâts tendus comme des bras vers le ciel, agitant leurs petits fanaux qui scintillaient dans la nuit et ondulaient au rythme lent de la respiration de la mer.







