Parler espagnol ou s’abstenir ?

  1. Dans quelques jours, Mahé et Laura doivent nous rejoindre à Alicante.
    Comme nous sommes assez en avance sur notre programme et que nous devons faire réviser le moteur de l’annexe, nous décidons de nous arrêter dans une marina qui se trouve un peu au sud d’Alicante, Santa Pola où se trouve un concessionnaire Yamaha.

Vu de la mer, cette ville avec ses barres d’immeubles défraîchies qui longent la plage ne semble pas très accueillante.

A l’approche de l’entrée nous allumons la VHF canal 9 et répétons avec notre meilleur accent espagnol la même ritournelle :
Moi : « Marina Santa Pola de Omer, marina Santa Pola de Omer cambio.
La capitainerie : Si Omer de marina chrrr Santa Pola, Omer chrrr de marina chrrr Santa Pola cambio chrrr.
Moi : Hola, buenas tardes, tienes une amarre para un barco de veila de nueve metros ? cambio. »

Généralement à ce stade de l’échange avec la capitainerie, tout se passe bien mais car il y a toujours un mais c’est ensuite que les choses se gâtent.

La capitainerie « Omer de Santa Pola chrrr tienes que ir al chrrr pantalon chrrr G Giulietta, norte chrrr oueste, chrrr al amarre numero chrrr ocho ciento y chrrr seis cambio.
Laurence : tu as compris ce qu’il disait ?
Moi : Pas vraiment, il parlait d’une histoire de pantalon à l’ouest je crois.
Laurence : Un pantalon à l’ouest ?
Moi : Oui amarre quatre vingt quelque chose, six ou sept…Bon je les rappelle :
Santa Pola de Omer, Santa Pola de Omer cambio
La capitainerie : Omer chrrr de Santa Pola cambio
Moi : Si por favor, no e muy bien entendido, comprendido lo que ha dicho, comprende ? Entende ?… (Silence)…I didn’t understand what you said, could you repeat please, cambio
La capitainerie : Omer de Santa Pola vous auriez du me dire que vous étiez français j’ai cru que vous compreniez l’Espagnol. Ok vous allez au ponton G au nord ouest de la marina, place 86, un marinero vous attend cambio.
Moi : muchas gracias. A Laurence : le pantalon ça voulait dire le ponton et 86 c’est le numéro de l’amarre et pas la taille du pantalon, quatre vingt six, même le gros Gérard y rentre pas dans du 86 ! »

Et voilà comment une petite incompréhension ruine des années d’apprentissage de la langue alors qu’il serait si facile de parler anglais. En vérité nous aimons nous adresser aux espagnols en espagnol, par pure courtoisie, pour ne pas ressembler à tous ces navigateurs qui ne font pas le moindre effort pour parler la langue du pays et qui sans vergogne s’expriment en anglais.
Par chance nos efforts sont souvent récompensés, les espagnols appréciant que l’on s’exprime dans leur langue, même si parfois ils ouvrent des yeux grands comme des soucoupes pour tenter de nous comprendre.

Une fois amarrés nous nous rendons à la capitainerie où nous sommes accueillis par une charmante Carmen qui avant même que nous lui posions la moindre question nous explique où se trouvent les douches, les toilettes, la lavanderia, le supermarché, le marché, les shipchandlers etc. Je lui parle de mon problème de moteur et aussitôt elle décroche le téléphone, appelle un certain Antonio et me décroche un rendez-vous pour le lendemain matin.
Carmen c’est l’accueil, la gentillesse, l’efficacité, le tout à la vitesse du TGV !

La ville de Santa Pola est tel que nous l’avions imaginé, moche. Mais c’est aussi une petite ville très animée. Il suffit de commander un café avec une assiette de tapas sur la grand place et très vite le charme opère, la petite musique humaine se met à vibrer.
Ici un espagnol avec un énorme cigare qui commente à la ronde et avec une certaine forfanterie les nouvelles d’un journal anglais qu’il est entrain de lire, là trois dames bien mises prennent un café au lait accompagné de gâteaux et de sandwichs, elles parlent si vite qu’elles donnent l’impression de n’avoir plus que quelques minutes à vivre; un peu plus loin deux mamans avec leur landaus échangent des compliments sur leur bébé tandis qu’une bande de garnements essaient de glisser dans la fente de la boîte aux lettres des emballages de gâteaux ou pire de l’obstruer avec leurs chewing-gums.

Si Santa Pola est une ville pittoresque, c’est surtout la gentillesse de ses habitants qui nous séduit.
Le boucher par exemple est un sympathique bonhomme mal rasé et hirsute qui nous a tout de suite conquis avec son œil malicieux et ses recettes auxquelles on ne comprenait rien mais qu’il nous expliquait avec gourmandise. Son épouse, à l’inverse de lui, toujours sur son trente et un, chignon impeccable, petite robe et tablier immaculés, souriante comme son mari, toujours prête à rendre service. Le primeur, un jeune gars au regard doux de vrai gentil qui, nous voyant hésiter devant une corbeille de fruits s’est empressé de nous les faire goûter.
Et pour couronner le tout, Sofia, la secrétaire d’Antonio, le concessionnaire Yamaha, accueillante, souriante et d’une efficacité redoutable. Une heure après lui avoir déposé notre moteur, nous recevons par what’s app des photos du carburateur démonté avec un commentaire en anglais nous signalant qu’il y a une pièce manquante, probable cause de nos déboires. Son texto s’achève par un sympathique smiley, une première pour nous qui sommes habitués à lutter avec des fournisseurs français absents, débordés et grincheux.
Nous récupérerons le moteur le surlendemain matin, au prix convenu; une affaire rondement menée !

Santa Pola, c’est sûr, on y reviendra !

 

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