Être ou ne pas être le jouet d’Omer

Le moins que l’on puisse dire est que notre première navigation de l’année ne s’est pas du tout passée comme prévu.

Une fois les amarres larguées, la première manœuvre consiste à reculer, barre bien droite pour sortir de notre place.
Jusqu’ici pas de problème.
Une fois le bateau sorti de sa place, la deuxième manœuvre consiste à mettre en avant tout en donnant un coup de barre sur bâbord pour faire tourner le bateau.
Logique.
Mais car il y a toujours un mais, au moment de passer la marche avant, le bateau continue à reculer. Aïe !
Je débraie, réembraie aussitôt mais toujours pas de réponse du bateau. Aïe aie aie !
Je recommence la manœuvre en poussant les gaz à fond et cette fois Omer se met en branle lourdement. Ouf ! Une catastrophe d’éviter.

Un jour, un marin croisé sur un ponton avait eu ce mot tellement juste : “ une manœuvre de port réussie est une série de catastrophes évitées ! ” Comme il avait raison !

Pour l’heure nous ne sommes guère rassurés mais décidons toutefois de sortir du port, pour voir…

La mer est formée, les vagues sont contre nous, Omer peine à gravir chacune d’elle et semble même parfois reculer. Impossible d’avancer à plus de trois noeuds (cinq kilomètres heure). A cette vitesse là, nous serons à Blanes, notre prochaine étape dans dix heures, si nous y arrivons !

Que faire ? Continuer notre route avec un bateau qui n’avance pas, rebrousser chemin ? Plonger sous l’eau pour voir si un bout del “Muerto” n’est pas resté coincé dans l’hélice ?

Je sais que durant les dix mois où Omer est resté au ponton, une multitude de petits coquillages et d’algues se sont incrustés sur la coque et l’hélice ralentissant le bateau mais je ne peux m’empêcher de penser que c’est encore un coup del “Muerto”.
Laurence a beau me rassurer en me disant que “Cortès” ne nous a rien signalé d’anormal en plongeant sous la coque, je sens une grosse boule au ventre m’envahir, comme si toutes les peurs que l’on nourrit durant les nuits de cauchemars : perte de l’hélice, dérive, naufrage, fortune de mer, vous rattrapaient toutes d’un seul coup.

Je décide alors de plonger voir ce qui se passe sous la coque mais avant cela je dois tout d’abord plonger sous la couchette avant où est censé avoir été rangée notre combinaison de plongée.
Après avoir tout sorti : les vêtements de quart, les bottes, le ventilateur, le camping gaz, bref tout le saint-frusquin, je finis par mettre la main sur cette maudite combinaison. Mais voilà, tout ce temps passé à jouer aux montagnes russes à quatre pattes à l’avant m’a collé un foutu mal de mer.
Laurence me donne du coca, des chips, un sandwich, bref prend les choses en main.

Finalement nous décidons de poursuivre notre route, quitte à nous arrêter à mi-chemin dans une autre marina.
C’est alors qu’en milieu de parcours le vent se lève, nous hissons les voiles et cette fois Omer dépasse les quatre noeuds ! Fini les idées noires, les fortunes de mer et autres naufrages, Omer est d’abord un voilier avant d’être accessoirement un bateau à moteur !

En quelques heures nous atteignons Blanes.
Un marinero portant un éclatant tee-shirt jaune nous aide à nous amarrer, l’employée de la capitainerie nous accueille avec chaleur, le village de Blanes est charmant et la pizza de la “Tagliatella” délicieuse.

En me couchant je ne peux m’empêcher de penser que seule la navigation arrive à engendrer des sautes d’humeur aussi irraisonnées. La moindre petite fausse note, le moindre faux mouvement peuvent provoquer une peur panique tout comme un petit rayon de soleil ou un souffle de vent nous plonger dans des instants de bonheur intense.
Un retour en enfance en quelque sorte.

Côte entre El Masnou et Blanes
Côte entre El Masnou et Blanes
Côte entre El Masnou et Blanes

 

One Reply to “”

  1. Que d’émotion ! On tremble pour vous, on retient son souffle, on respire et on se réjouit de la bonne pizza.
    C’est un plaisir de lire votre journal.
    A bientôt.

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