Il y a quinze jours, Omer est tombé amoureux et pas de n’importe qui. D’une Plume ! Pas une plume de canari ou une plume de chardonneret mais d’une Plume d’au moins quatre tonnes ! Ah ah sacré Omer, il peut rien faire comme tout le monde !
Leur rencontre a eu lieu dans l’avant port de Marseille où de nombreux bateaux s’étaient retrouvés pour rendre hommages aux bénévoles de la SNSM péris en mer aux Sables d’Olonne.
Il l’a vu arriver de loin la Plume fonçant droit sur lui toutes voiles dehors avec sa belle coque blanche, ses formes arrondies, on aurait dit une Plume en robe de mariée et il a tout de suite été conquis, l’Omer ! Mais comme un gros imbécile qu’il est, au lieu de faire un bord à côté d’elle pour lier connaissance, il a voulu faire le cacou marseillais et a filé droit devant, les voiles gonflées à bloc, sans se retourner. Heureusement que les propriétaires de cette Plume, Jean-Pierre et Michelle sont des amis et que nous avions convenu de nous retrouver pour un pique-nique dans une petite crique du Frioul sans quoi il ne l’aurait jamais revu cette jolie Plume.
Une fois amarré, bien collé-serré contre elle, il a eu tout le loisir de faire plus ample connaissance. Il faut dire que depuis notre départ de Morgat, il n’avait pas eu l’occasion de rencontrer une si belle “Lady” comme disent les Anglais en parlant de leur bateau. Au Portugal il avait toujours un problème de langue et en Espagne, notamment aux Baléares, toutes les prétendantes faisaient au moins quatre mètres de plus que lui.
Pour le faire enrager, nous avions l’habitude, Laurence et moi, de dire qu’il aurait pu tenir dans la cabine arrière de n’importe laquelle de ces magnifiques ladies…
Pendant que Monsieur contait fleurette à sa nouvelle fiancée, nous avons, avec Michèle et Jean-Pierre, repris le fil de nos vies là où nous l’avions laissé quatre ans auparavant. Et en quatre ans il s’en est passé des choses dans nos vies respectives, déménagement et installation à Marseille pour eux, en Bretagne pour nous et pourtant, en dépit de tous ces événements et de bien d’autres encore, nous avons poursuivi le fil de nos récits comme si nous nous étions quittés la veille, passant sans transition de notre dernière rencontre rue des deux gares à Paris à notre joyeuse baignade dans cette crique du Frioul.
Une vraie cure de rajeunissement !
Le soir-même nous rentrions à bord de Plume à Marseille, dînions chez nos chaleureux amis d’une magnifique assiette de pâtes aux courgettes et au pistou et dormions dans un bon lit douillet tandis que le pauvre Omer se retrouvait seul au port du Frioul, sans sa blonde…
Le lendemain nous pensions qu’il serait heureux de nous retrouver mais car il y a toujours un mais il s’est montré d’une humeur massacrante.
Profitant d’un coup de Sirocco avec des pointes de vent à près de cent kilomètres heure, il a commencé par faire vrombir ses haubans, claquer ses drisses contre la baume, tirer comme un cheval fou sur ses amarres et faire du rodéo sur le ponton, essayant de sauter par dessus ou se retrouvant allongé de tout son long sur le flanc.
Pauvre Omer, nous ne l’avions jamais vu dans un état pareil!
Le coup de Sirocco passé, nous avons quitté le port du Frioul sous un ciel d’enclume et sur une mer en papier mâché. Vêtus de polaires et de cirés, nous avions l’impression de naviguer dans la baie de Douarnenez plutôt que dans la rade de Marseille ! Une fois passé l’île du Riou qui marque la sortie de la baie marseillaise, une légère éclaircie commença à déchirer le ciel puis à l’envahir totalement et c’est sous un soleil radieux que nous arrivâmes à Cassis sans un nuage à l’horizon et le cœur léger comme une Plume…











Quel talent ! Je vais lire cette prose délicate à Plume sans tarder. Elle va en trembler des rémiges !!
Gros bisous à vous deux et bon vent
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